Interview : Thimotée Robart
Habitué des plateaux de tournage pour être né de parents comédiens, Thimotée Robart a d’abord côtoyé le septième art en tant que perchman avant de se tourner sans grande conviction vers la comédie. C’est en 2019 que le public le découvre en fantôme dans « Vif-Argent » de Stéphane Batut qui avait été sélectionné par l’ACID durant le Festival de Cannes et qui a valu à l’acteur une nomination aux Lumières 2020 en tant que Meilleur espoir masculin.
Il est revenu cette année à Cannes pour « Les Magnétiques » de Vincent Maël Cardona, dans lequel il incarne un jeune passionné de son et de radio qui explore sa jeunesse durant les années 80. Un remarquable premier film qui a obtenu le prix SACD de la 53e Quinzaine des Réalisateurs ainsi que le Prix d’Ornano-Valenti 2021 au Festival de Deauville que l’on remet aux premiers films français.
Quelle a été votre réaction lorsqu’on vous a contacté afin d’auditionner pour « Les Magnétiques » ?
À l’époque, il y a une partie de moi qui ne voulait pas être acteur. J’avais déjà fait un film mais je refusais un peu d’être acteur car je ne voulais pas rentrer dans la tourmente du comédien, mais quand j’ai lu le scénario, j’ai trouvé l’histoire belle et j’ai pensé qu’elle ferait un chouette film.
Qu’entendez-vous par « la tourmente du comédien » ?
Mes parents sont comédiens et je les ai vus souffrir du fait de ne pas travailler parce que cela se met en lien avec la personne. Ne pas trouver de travail en tant qu’ingénieur ce n’est pas la même chose que de ne pas trouver de travail en tant que comédien. On prend les choses personnellement. Du coup, je n’ai pas envie de vivre cela et c’est pour cette raison que j’ai un autre métier. Je suis perchman. Là, j’ai commencé à accepter le fait que j’étais à la fois acteur et perchman alors qu’avant, pour moi, j’étais perchman et je faisais un peu l’acteur à côté.
N’aimeriez-vous pas choisir entre les deux fonctions ?
J’ai envie de faire les deux parce que ce sont deux métiers que j’aime. Par ailleurs, je suis meilleur comédien parce que je suis technicien et je suis meilleur technicien parce que je suis comédien.
Qu’est-ce qui vous a touché chez Philippe, le personnage que vous interprétez dans le film ?
C’était déjà hyper flatteur que l’on me propose d’être le personnage principal d’un film même si j’ai passé un casting. Le personnage de Philipe est un chouette type. Il fait du son et moi aussi donc je me suis rapidement senti proche de lui. J’ai aussi beaucoup aimé Vincent Maël Cardona, le réalisateur. C’est un mec passionnant, attachant et qui a une vraie vision du cinéma. Il a mis du temps à faire son film et il s’est entouré de personnes qu’il connaît depuis longtemps, des gens super. Il a fait attention à l’image, au son et au jeu.
Votre personnage est plutôt introverti. Avez-vous cela en vous ?
Je pense que j’ai cette introversion en moi, sinon je ne pourrais pas faire vivre le personnage comme je le fais. Après, je suis un bon pote et je fais la fête mais j’ai ce truc là, oui. Être devant une caméra pour des essais, pour des castings ou même quand je joue, c’est une sorte de violence qui m’atteint et forcément, je me rétracte. Du coup, je pense que le personnage de Philippe qui est quelqu’un de réservé, c’est un peu le Moi devant une caméra. J’ai une timidité face à l’objectif qui profite au personnage.
Jérôme, le frère de votre personnage, n’est à contrario pas timide. Philippe est-il stimulé ou plutôt empêché par son frère ?
Les deux, je pense. Jerôme est un personnage qui est plein de vie, qui pulse. Philippe le suit, il suit sa bande de potes et se régale. Jerôme parle fort et bouge beaucoup donc cela atténue son frère mais c’est une ambivalence qui le fait exister et qui lui sert.
Votre personnage se voit imposer le service militaire. Auriez-vous aimé le faire ?
Mon père a été P4, c’est à dire qu’il a été jugé incompatible avec la poursuite de son service militaire pour troubles de la personnalité. Il a fait ce que Philippe n’a pas réussi à faire dans film. Pour cela, il avait mis le caleçon d’un pote corpulent afin de se retrouver avec un vêtement immense, il faisait son lit avec un doudou, il fumait cigarette sur cigarette avec la main gauche pour paraître mal à l’aise et il a joué la comédie à l’examen psychologique. Résultat : il est reparti de là avec son papier d’inaptitude à l’armée. Je connais donc la mythologie du P4 et mon père est fier d’avoir été P4 pour pouvoir faire le conservatoire. Beaucoup de comédiens ont eu recours à cela pour faire le conservatoire. Pour ma part, je suis content de ne pas avoir fait le service militaire. Si j’avais été obligé de le passer, j’aurais aimé le faire dans une section qui m’apprend des choses enrichissantes comme la Marine par exemple.
Le film fait la part belle aux années 80, tant sur le plan technique que, politique et musical. Avez-vous la nostalgie de cette époque ?
Mon père est un peu plus jeune que le personnage de Philippe. Du coup, je n’ai pas connu cette époque mais je pense que c’était une période très compliquée. Aussi, en tant que parisien, je suis peut-être un peu déconnecté de la réalité provinciale. En tout cas, j’aime cette époque, sa musique et ses vêtements mais je n’ai pas de nostalgie.
Les années 80, c’est aussi beaucoup d’objets cultes et célèbres qu’on peut voir dans le film. Avez-vous emporté un souvenir de ce tournage ?
Le Walkman me faisait rêver mais si quelqu’un devait l’avoir, c’était forcément Vincent. En revanche, j’ai piqué plein de fringues (rires).
Le son occupe justement un grand espace dans ce film tout comme la musique. Quel consommateur de musique êtes-vous ?
J’aime le son, j’écoute de la musique régulièrement et je me fais des bons repas en écoutant des bons albums. Mes goûts varient selon les périodes. Je peux aussi bien écouter de la pop hipster que Radiohead, Cypress Hill, Chet Baker, ou de la grosse techno.
La scène lors de laquelle on vous voit vous faire tracter par une voiture a-t-elle été aussi difficile à tourner que le suggèrent les images ?
Oui, c’était rude. C’était le dernier jour de tournage en France après cinq ou six semaines de travail donc tout le monde était au bout du rouleau (rires). On tournait pendant la nuit, il pleuvait des cordes, il y avait de la boue et il faisait froid. J’ai dû faire plusieurs siestes dans la voiture pendant la soirée. C’était intense mais on le savait. Cela fait partie de l’aventure de ces métiers et c’est agréable à vivre parce qu’à la fin de la journée, on était contents de l’avoir fait.
« Vif-Argent », le premier film dans lequel vous avez tourné, était présenté à Cannes en 2019. Qu’est-ce qui a changé pour vous depuis ce film ?
Comme je me protège vachement avec mon métier de perchman, cela me sauve. Je vis de manière simple, en collocation. L’acting est un super truc qui m’arrive mais qui peut aussi s’arrêter très vite. Avec « Vif-Argent », il n’y a pas eu trop de changements à part un peu au moment de la sortie film quand mon entourage pouvait me voir dans des affiches. C’est d’ailleurs très étonnant.
Acceptez-vous facilement les compliments ?
Les compliments en tant qu’acteur, je les reçois de façon un peu étrange. J’ai même du mal à les recevoir. Je fais juste mon travail et je fais confiance au réalisateur, aux proches et au public. Les compliments personnels, je les prends bien mais c’est super étrange à accepter. On peut nous dire qu’on est bon dans un film mais c’est aussi grâce au monteur et au chef opérateur. Un acteur est au service de quelque chose. Effectivement, je peux donner un truc fort mais je ne suis pas peintre, je suis juste au service d’un réalisateur.
Comment abordez-vous l’exercice de l’interview et des photos ?
Quand je tombe sur quelqu’un de sympathique comme là, c’est chouette. Je sens quand-même que je prends ma voix d’interview en parlant en peu plus bas et en articulant un peu mieux mais je ne fais pas forcément exprès (rires). Les photos, c’est un peu plus bizarre…