[INTERVIEW] WESTON RAZOOLI : DES FÉES ET DES FILMS

La bouffée d’air frais du Festival de Cannes 2023 a été sélectionnée par la Quinzaine des Cinéastes. Elle s’appelle RIDDLE OF FIRE et elle est signée Weston Razooli. Premier long métrage du réalisateur américain, RIDDLE OF FIRE est un road movie mettant en scène trois enfants qui usent de tous les subterfuges pour craquer le code parental de leur nouvelle console de jeu et qui souhaitent réussir une tarte aux myrtilles. Leurs aventures nous entraînent dans un tourbillon de péripéties aussi loufoques que ce récit où se déploie l’univers très singulier du réalisateur qui n’hésite pas mettre au profit de son film sa formation dans les domaines de l’illustration, du graphisme et de la mode. En résulte une ode à l’enfance décalée dont le savant mélange des genres donne envie de suivre de près son réalisateur qui a répondu à nos questions autour de son travail.


Vous avez choisi de travailler avec de jeunes acteurs pour votre premier film. Est-ce vraiment la manière la plus simple de se lancer dans la réalisation d’un premier long métrage ?
C’était effectivement très risqué, surtout en n’ayant que très peu de temps et de budget. Lorsque que j’ai casté les enfants après avoir vu toutes les vidéos de mon directeur de casting, seulement quatre étaient acceptables. Certains étaient dans l’Utah et d’autres à Los Angeles. Je n’avais pas le budget pour organiser une lecture afin de les faire se rencontrer et créer une alchimie entre eux, alors j’ai dû les caster séparément en espérant qu’ils s’entendraient bien. Chaque enfant avait l’air d’un acteur classique et intemporel et j’ai senti que cela les aiderait à bien s’entendre. Si vous écrivez la bonne histoire pour enfants avec de l’aventure, de l’action, des choses amusantes et beaucoup de courses-poursuites, vous devriez pouvoir y arriver. Je n’aurais jamais casté des jeunes acteurs pour un drame lourd et réaliste. Il faut choisir des gamins amusants qui veulent travailler mais surtout les bons parents. Les parents de mes acteurs ont été formidables. Ils ont compris l’histoire et capté l’ambiance.


Cette fameuse ambiance très palpable dans le film laisse penser que le tournage était drôle…
Oui. Ce tournage était comme un camp de vacances. On a notamment tourné dans l’Utah, dans les bois et on faisait de la moto, du trampoline, de la danse, de la pêche… C’était amusant.


Vous évoquez les contes de fées au début de votre film. L’enfant que vous étiez croyait-il aux contes de fées ?
Oui. Je fabriquais des choses pour les fées dans la forêt où je vivais et je laissais des petits trésors à leur attention en espérant qu’elles les trouveraient. J’aimais croire aux fées et aux sorcières et j’y croire encore.


Dans votre film, on entend un langage particulier. Est-il inventé ou inspiré d’une langue connue ?
Le personnage d’Anna-Freya descend d’une lignée de sorcières grecques donc elle parle une langue basée à moitié sur le grec avec un ajout de mots que j’ai inventés pour lui permettre de jeter des sorts.


Ce premier long métrage est à la fois un conte de fées, un film d’aventure et un road movie. Comment avez-vous eu l’idée de mélanger tous ces genres ?
J’avais écrit quatre scripts différents et RIDDLE OF FIRE est en quelque sorte un mélange des quatre. Il y avait un film de motos, un conte de fées pour enfants, un film de fête ainsi qu’une autre sorte de conte de fées. J’ai juste un peu mélangé ces quatre histoires et cela a fonctionné. J’aime tous les ingrédients de ces histoires et je pense que cela s’est fait assez naturellement, même si, sur le papier, le mélange pouvait sembler terrible ou étrange (rires).


Votre film emprunte les codes des jeux vidéos d’aventure. Quel est votre rapport au monde des jeux vidéos ?
J’ai joué aux jeux-vidéos. J’admire notamment les jeux avec une structure d’histoire comportant des quêtes où, pour atteindre un objectif, il faut obtenir une chose qui dépend d’une autre et ainsi de suite. J’ai trouvé ce principe de quête génial pour structurer une histoire simple comme celle de mon film. L’univers de ZELDA avec lequel j’ai grandi dans les années 2000 a été une grande inspiration pour moi, même si je ne joue plus. Le montage est devenu mon jeu vidéo (rires).


Vous avez étudié l’illustration, le graphisme et la mode. Comment avez-vous utilisé ces différents domaines de connaissances dans votre film ?
J’ai dessiné et conçu tous les costumes, j’ai conçu le camion et les motos tout-terrain. J’ai également créé les textes, les titres, ainsi que tous les effets visuels des applications utilisées par les enfants sur leur téléphone. Plus tard, j’aimerais faire des affiches illustrées pour le film et proposer un livre d’art qui contiendrait le concept du design du film, mes notes ainsi que des photos des coulisses. Avec ma société de production, on envisage de fabriquer du merchandising pour accompagner la sortie du film.

Quelle a été l’idée de départ du film ?
J’avais écrit un autre script avec des adolescents dans un lycée. Cela parlait d’un gamin qui s’appelle Riley et qui a trois frères plus jeunes que lui. Ces jeunes n’étaient pas les personnages principaux du récit, mais je les aimais tellement que j’ai décidé de leur consacrer tout un script. Quand j’ai commencé à écrire RIDDLE OF FIRE, il était question que ces gamins soient à la recherche d’un jeu vidéo. Quelqu’un l’avait acheté et il a été volé. Ensuite, j’ai réduit l’histoire au fur et à mesure pour obtenir quelque chose de plus en plus simple et j’en suis arrivé à cette idée de devoir trouver un œuf pour faire une tarte. Cela sonnait un peu comme dans les contes des frères Grimm, façon HANSEL ET GRETEL ou LE PETIT CHAPERON ROUGE. Je voulais vraiment faire le film d’aventure ultime pour enfants dans lequel les gamins ont tout ce qu’on peut désirer quand on est enfant : la moto, le pistolet de paintball, le dernier jeu vidéo avec beaucoup de liberté dans un cadre sympa.


À quel public avez-vous le plus songé en travaillant sur ce film ?
Mon public principal, c’était moi-même. J’avais besoin de faire un film que j’aime mais c’est un film pour tous les âges. Tout le monde l’apprécier, aussi bien les adultes que les enfants. Le film permet aux adultes de se sentir à nouveau comme des enfants en projetant dans une mentalité d’enfant.


Êtes-vous encore un enfant ?
Oui (rires).


Lequel des enfants de votre histoire se rapproche le plus de celui que vous étiez ?
Tous les personnages sont en quelque sorte basés sur différentes parties de ma personnalité. Je dirais que je suis une combinaison des quatre.


La tarte aux myrtille que les jeunes héros doivent cuisiner est une des quêtes de votre film. Que symbolise ce dessert ?
C’est un peu comme le petit chaperon rouge qui doit apporter une tarte pour sa grand-mère. C’est un aliment classique de conte de fées, cette fameuse tarte qu’elle a préparée pour sa grand-mère mais que le loup mange. J’ai choisi la myrtille parce que c’est ma saveur de tarte préférée (rires). Je ne pouvais pas prendre la tarte aux pommes parce que c’est un peu trop cliché, ni la tarte aux cerises car elle appartient à la série TWIN PEAKS. Je ne sais pas si la tarte aux myrtilles a déjà été servie dans une histoire, mais c’est la meilleure tarte (rires).


Comment avez vécu l’expérience d’un premier film au Festival de Cannes ?
C’est incroyable ! C’est un rêve devenu réalité. Cela valait la peine de faire un film. Cannes est le meilleur cadre possible pour présenter ce film en avant-première et revoir tous mes acteurs et mon équipe. C’est merveilleux !


Le Festival de Cannes est-il comme vous l’imaginiez ?
Je n’avais pas regardé beaucoup de vidéos de Cannes car je voulais en faire une première expérience à l’aveugle. Il s’avère que c’est comme je me l’imaginais, mais en plus gros, beaucoup plus gros et je ne savais pas que c’était si énorme. Tout le monde est tellement gentil, tout le monde s’intéresse au cinéma et c’est génial. C’est le temple du cinéma.


Voyez-vous beaucoup de films ?
Je regarde tous les films, de toutes les époques, de tous les pays, de tous les types de réalisateurs. Le cinéma est essentiel pour tout le monde et surtout pour les cinéastes. Il faut tout voir !


Quels sont les genres de cinéma que vous préférez ?
La nouvelle vague japonaise des années soixante est mon cinéma préféré. J’aime vraiment le Japon. J’aime aussi le vieux cinéma britannique comme celui David Lean, le cinéma français, italien, suédois, américain… Je regarde beaucoup de films. J’adore le cinéma. Aux États-Unis, la chaîne Criterion est mon truc préféré de tous les temps !


Avez-vous déjà commencé à travailler sur votre prochain long-métrage ?
Oui. Il sera similaire au premier. Il s’agira encore d’action et d’aventure. C’est un film d’époque qui se déroule en Grande-Bretagne et qui sera peut-être tourné en Nouvelle-Zélande.


Quels sont vos attentes pour RIDDLE OF FIRE ?
J’espère juste que les gens l’aimeront, qu’ils pourront s’y identifier et l’apprécieront pour son côté amusant et drôle sans le prendre trop au sérieux.